• L'affiche


    1er prix de la nouvelle Corotzilla 2009 - 2010

    L'affiche

    Texte de Gaëlle Méhard, illustration de Clément Dequidt


    Nouvelles


    Il voulait partir, partir très loin, quitter Paris.

    Mais pour aller où? Avec sa morphologie il ne passait pas inaperçu. Ca lui serait donc difficile. Mais pourquoi vous demanderez-vous? On définit pourtant Paris comme une belle ville, très grande où il fait bon vivre. C'est une ville magique, remplie de monuments et de lumières. C'est la ville de l'amour.

    Mais lui, il en avait assez de tout ça! Pour lui Paris n'était plus qu'irrespect, bruit, violence; voilà ce qu'était devenu le VRAI Paris. Et il voulait quitter tout ça! De toute manière, il n'était plus d'aucune utilité ici. Plus personne ne faisait attention à lui et aux articles qu'il vendait. Il était devenu invisible, encombrant. Il se sentait vraiment vide et seul. Depuis quelques temps il réfléchissait beaucoup sur ce qu'était sa vie et ce qu'elle avait été. Il se sentait usé, il avait besoin de changer d'air. Vite, très vite. Il étouffait. Mais il ne savait vraiment pas où aller. Les gens comme lui n'ont pas de famille et pas d'amis car ils sont trop différents. Ils servent juste de décor dans ce genre de ville. Quand on vient les voir c'est par intérêt personnel sinon les gens se moquent d'eux. Quel gâchis pensait-il souvent. Il était là, ressassant ses sombres pensées quand il vit ou plutôt revit cette affiche qui le narguait depuis quelques jours déjà. Elle était vraiment magnifique. Imposante. Très colorée. Sur cette affiche il y avait une ville, une très belle ville au premier plan avec un temple. Cela formait un contraste saisissant entre tradition et modernité. Peut-être que les gens comme lui avaient leur chance dans ce pays. Car tout comme ce temple, lui aussi était confronté à la modernité, au développement. Mais ce temple avait l'air d'avoir sa place dans ce pays. Comment se faisait-il que ce temple ait l'air à sa place dans ce décor ? En bas de l'affiche, un slogan : "A chacun sa place". Seulement quatre mots, quatre petits mots qui le faisaient beaucoup réfléchir. Sa décision fut prise. Il irait au Japon! Il voulait avoir sa place dans le monde et ce pays la lui offrirait, l'espoir revenait et lui redonnait l'envie de vivre. Personne ne remarquerait sa disparition car personne ne venait le voir. C'était maintenant ou jamais. Un nouveau monde, une nouvelle vie l'attendait. Il partit. Adieu la France bonjour le Japon! Il ne regretterait rien!

    Quand il arriva au Japon, il se crut en plein rêve. Une ville pareille n'était pas possible! Il se dégageait une atmosphère si particulière! Ce pays respirait le respect. Le respect de l'ancien et du moderne. C'était parfait pour lui. Les Japonais montraient du respect pour tout ce qui les entourait : la nature, les gens, les objets. Ils s'inclinaient beaucoup. Au début il trouvait cela comique, mais à présent il commençait à comprendre ce que le slogan voulait dire. Il se sentait bien dans ce pays si différent du sien, à sa place. Ils s'inclinaient car pour eux les autres avaient plus d'importance que leur propre personne et il aimait cette philosophie. Pour la première fois depuis longtemps il se sentait BIEN. La ville était vraiment impressionnante! Des buildings partout, vraiment imposants. Il remarqua vite que la ville était très organisée et que cela permettait une bonne circulation. En effet, il y avait énormément de monde. Paris, à côté, semblait vide. Jamais il n'avait imaginé quelque chose comme ça! Il eut le coup de foudre. Il tomba amoureux de ce pays. Mais encore fallait-il trouver son utilité. Il vit que les gens comme lui étaient nombreux. Il ne serait plus seul, il en était certain à présent. Mais pour l'heure il ne pouvait rien faire si ce n'était observer la foule qui passait devant lui. Le va-et-vient des Japonais l'impressionnait. Il y avait toujours du mouvement. Il se faisait remarquer dans cette ville avec sa morphologie mais les gens lui souriaient, il était normal pour eux. Mais il ne savait pas où aller. Un vieil homme passa près de lui et remarqua qu'il était en mauvais état. Il décida de le remettre en forme et de lui redonner une nouvelle jeunesse, une nouvelle fonction. Il l'emmena chez lui. Une petite maison recluse assez charmante. Le vieil homme l'installa confortablement et commença ses soins. Une fois terminé il se sentit renaître, il était devenu quelqu'un d'autre, non plus ce vendeur insignifiant qui s'était fait battre par des voyous dans une rue de Paris. Il était devenu méconnaissable. Il se sentait heureux, en harmonie avec ce pays et UTILE. Le vieil homme l'installa dans un quartier confortable où il put faire ses preuves. Tout le monde venait le voir, lui acheter ses produits. Il vivait enfin. L'ère de la souffrance était révolue, elle avait fait place à la paix et à la joie. Il vivrait enfin sans se cacher. Il était fier d'être ce qu'il était. Un distributeur. Un distributeur de boissons japonais.


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  • Commentaires

    1
    Caroline.S
    Mardi 11 Mai 2010 à 12:18
    Trop bien! J'ai cru jusqu'aux dernières lignes que c'était un Homme xD
    2
    Emilie H
    Mercredi 12 Mai 2010 à 07:51

    Moi aussi, j'ai cru comme Caroline, j'ai bien aimé :)

    3
    Kahina M
    Jeudi 13 Mai 2010 à 15:57

    Idem j'ai cru que c'était un homme, le suspence est bien gardé...Bravo

    4
    Imane Z
    Jeudi 13 Mai 2010 à 18:00
    J'aime bien ce qu'a écrit Gaelle, trop bien le coup du distributeur en plus il y avait des indices (que j'avais pas remarqué je pensais juste que le personnage se faisait racketter)
    5
    Amélia.B
    Dimanche 25 Juillet 2010 à 23:44

    J'ai beaucoup aimé ce que tu as écrit, sincèrement ! 

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