• 2ème prix de la nouvelle Corotzilla 2009 - 2010

    Le carnet


    Texte d'Imane Ziouche, illustration de Clément Dequidt
     

     Nouvelles

     

    « Distributeur de boissons n°47 – Harajuku, près du temple de Meiji-shingu … »

    Je regardai le carnet vieilli aux pages déchirées. Que faisais-je donc ici ?

    Ce journal ne m’appartient même pas ! « Hikari Yamamoto », la vue de ce nom me mettait mal à l’aise, je ne pouvais vraiment pas me résoudre à l’abandonner ici en face de ce distributeur, cruelle destinée pour un objet sans doute si cher à son propriétaire. Même si le contenu était assez atypique puisque des photographies de distributeurs ainsi que de petites annotations remplaçaient les pages bleuies qu’aurait dû contenir un traditionnel journal intime. Cette « Hikari Yamamoto » serait sans doute heureuse de retrouver son précieux bien qu’elle avait dû égarer par mégarde dans le métro où je l’avais découvert. J’observai l’annotation figurant sous la photographie représentant le distributeur devant lequel je me tenais, l’écriture était petite et c’est avec difficulté que je déchiffrai  « 7 Mars 2000 … » Ainsi cette photo avait 10 ans !

     « ...mon estomac ne cesse de grossir, mes parents ont craint que les voisins constatent ma grossesse, c’est pourquoi j’épouserai Hiro aujourd’hui, on m’a intimé l’ordre de dire que notre prétendu « amour fou » a conduit à ce mariage précoce, j’atteins à peine la majorité que me voilà prête à devenir ménagère, mariée à 20 ans ! »

     J’observai la photographie et relus le petit texte.  « Distributeur de boissons n°47 » , ainsi il y avait eu 46 autres photographies avant cela ? La jeune femme avait donc dû épouser 10 ans auparavant un dénommé Hiro afin de justifier sa grossesse ? Je supposai donc qu’elle avait dû se marier dans le temple de Meiji-shingu. Je ne pus m’empêcher de m’interroger quant aux 46 autres photographies ou plutôt 36 autres puisqu’il y en avait une bonne dizaine dans ce carnet. Je pris conscience du fait que ce « journal » contenait des souvenirs intimes, personnels, importants, je devais vraiment retrouver cette «Hikari Yamamoto ». Combien de Hikari Yamamoto y avait-il à Tokyo ? Etait-ce réellement son nom ? J’entrepris de nombreuses recherches, en vain. Je décidai donc de visiter tous les lieux figurant sur les photos, peut-être y rencontrerai-je  « Hikari » ?

      « Distributeur de boissons, Shinjuku, mairie de Tokyo, 48e étage ». Je remarquai que cette fois-ci il n’y avait ni date ni numéro de distributeur, je conclus donc qu’il s’agissait certainement d’un endroit où Hikari avait l’habitude de se rendre. Par chance j’avais entendu parler de ce bâtiment composé de deux tours jumelles, haut de 48 étages et de 243 mètres ! Ce n’est qu’une fois arrivée au 48e étage, appareil photo en main que je m’autorisai à lire la suite du gribouillage figurant au dos de la photographie :  « Une nouvelle fois je me retrouve au sommet de cette gigantesque tour, on se sent tellement grande ici ! J’ai l’impression de pouvoir toucher le ciel, c’est peut-être pour cela que cet endroit me détend ? Chaque fois qu’une décision importante se présente, je viens ici, peut-être que le fait de m’élever me rend plus spirituelle ? Je repense à tous ses souvenirs bons ou mauvais qui me guidèrent tous vers mon lieu secret, cette tour. Ma première rupture… l’acceptation de ma candidature dans une université qui m’aurait permis de réaliser mon rêve, devenir mangaka…la découverte de ma grossesse qui me contraignit à abandonner à contre coeur mes études… »

     Ainsi cet endroit était celui qui permettait à Hikari de se détendre ? Je m’approchai du distributeur qui avait été photographié et regardai à travers la fenêtre, le ciel. C’était vrai après tout, ce lieu avait la force fascinante de nous faire oublier nos soucis, j’avais l’impression que mon rapport à la vie, à ma vie, était différent vu d’ici, j’observai les immeubles adjacents, la mer, le ciel toujours et tentai d’imaginer Hikari qui dut abandonner son rêve pour se marier, afin de protéger, semblait-il, sa famille du déshonneur, des commérages. C’était fou tout de même ce que de simples distributeurs pouvaient évoquer. Je me demandai si j’allais retrouver Hikari, pourrais-je lui rendre un jour son précieux carnet ?

    « Distributeur n°7, Shibuya, face à la statue d’Hachiko ». La photographie était jaunâtre, Hikari devait encore être adolescente lors de la prise de celle-ci. Je souris, Hachiko, symbole de la fidélité, ce lieu devait être très symbolique pour Hikari. La statue du chien Hachiko et le distributeur étaient en face de la gare de Shibuya. Une fois sur place, j’étudiai minutieusement les visages m’entourant avec l’espoir de retrouver parmi ces traits une personne que j’avais pu croiser dans le métro dans lequel j’avais retrouvé le carnet et qui aurait peut-être pu être Hikari. En vain. Je me résignai donc à ne pas retrouver Mme Yamamoto aujourd’hui. Je baissai les yeux vers cette écriture qui m’était désormais familière : « Distributeur n°7, Shibuya, face à la statue d’Hachiko – 21 octobre 1995…» Si le compte était bon, Hikari devait être âgée de 15 ans « aujourd’hui est un jour très important, j’ai décidé d’avouer mes sentiments à  Yuki…» Yuki ? Etait-ce le premier amour de Hikari ? « Étant donné qu’il passe tous les jours ici à la même heure je l’attendrai et lui donnerai ma lettre d’amour » Je ne pus m’empêcher de sourire, m’imaginant la jeune fille attendant anxieusement de donner sa précieuse lettre. Je remarquai un deuxième gribouillage, écrit en caractères plus petits, l’écriture semblait beaucoup moins soignée : « 23 octobre 1995 : échec ».

    « Echec » ? Ainsi cet endroit représentait le premier échec amoureux d’Hikari. Je soupirai, l’endroit était certainement inapproprié si je voulais avoir la chance de lui rendre son bien. Je regardai l’heure. Il était encore tôt, je pouvais tenter de continuer ma « quête », j’empruntai donc plusieurs métros arrivant une heure plus tard face au distributeur représenté.

     « Distributeur n°38 – Bunkyo, avancer jusqu’au siège des éditions Kodansha, s’arrêter devant la vitrine… » Les indications ne pouvaient être plus floues, comment allais-je retrouver mon chemin ? Quel était le but derrière tout cela ? Je me retins néanmoins de lire la suite et rejoignis tant bien que mal le lieu. Là je lus ces quelques mots « je figurerais un jour parmi eux » et je compris. Devant le bâtiment était disposée une grande vitrine où figuraient tout un tas de mangas, romans, magazines édités par la maison d’édition. Mon regard s’arrêta sur divers mangas avec lesquels j’avais grandi, j’étais totalement émerveillée. Hikari avait-elle pu réaliser son rêve ? Je cherchai parmi les noms « Hikari Yamamoto » triste de constater qu’elle n’y figurait pas, qu’elle n’avait pu réaliser son rêve.

    Dépitée je rentrai. Je devais préparer ma prochaine aventure qui se déroulerait selon l’indication figurant sur la photographie sur la petite île d’Enoshima, en effet la référence indiquait « distributeur n°73 - île d’Enoshima, Baie de Sagami ». Je soupirai, où donc était cette île ? Je réussis à établir un itinéraire précis, prête à découvrir l’Océan Pacifique ! Quoi de plus impressionnant pour un européen ? Munie d’un sac à dos bien rempli et du carnet je pris donc la route. Une fois sur place j’observai les stands de nourriture dispersés un peu partout, je souris tandis que je me dirigeais vers la plage, leur odeur embaumait l’air. Je lus le texte au dos de la photographie. J’eus un léger pincement au cœur en songeant au fait qu’il n’en restait plus qu’une, je devais quitter le Pays du Soleil levant le surlendemain. Je repensai à mon aventure japonaise, si je n’avais pas trouvé ce petit carnet elle n’aurait sans doute pas été aussi mémorable, ni même exceptionnelle. Même si Hikari ignorait tout de moi je sentais que j’étais liée à elle et je lui en étais reconnaissante. Je regardai vers le grand large et lus « 6 mai 2000 »…soit deux mois après son mariage :

      « …Hiro a vu que j’étais triste, il sait que ma vie n’est que séries de désillusions, notre mariage était loin d’être la vie que j’avais imaginée. Mais c’est un homme bon et simple, son salaire est plutôt précaire du fait de notre jeunesse, néanmoins il a fait de son mieux pour se libérer et m’amener sur cette île, il sait que j’aime la mer. »

     Je repensais à mon désappointement de la veille lorsque je m’étais aperçue que Hikari n’avait pas réalisé son rêve, peut-être que sa destinée était en fait liée à cet homme « bon et simple » qu’était Hiro ? A-t-il pu la rendre heureuse ? Je me mis à rire face à mes divagations romanesques et continuai ma promenade. La prochaine destination étant pour le lendemain.

     C’était donc la dernière photographie. Il ne me restait plus qu’un jour pour retrouver Hikari Yamamoto, le dernier distributeur, le « distributeur n°367 » se trouvait devant la merveilleuse Gare de Tokyo, la photographie était encore récente puisque seule l’année était indiquée : « 2010 ». Je lus le dernier mot de Hikari avant même d’atteindre le lieu : « J’aime m’asseoir dans cette gare, chaque jour après avoir déposé Tsukushi à l’école je m’y rends. Je pourrais y rester des heures, j’aime tellement observer ces gens si divers ! » Je continuai sur une note que je n’avais pas remarquée auparavant :

     « Toi à qui j’ai confié mon cher journal, mes précieux secrets, je ne saurais expliquer pourquoi j’ai voulu partager mes souvenirs avec toi, peut-être est-ce parce que tu semblais aussi effrayée et perdue que moi à ton âge ? A vrai dire je ne sais même pas si tu comprends le japonais, néanmoins j’ai l’intuition que d’une manière ou d’une autre tu déchiffreras ce qui figure dans ce carnet. Si tu y es parvenu, sache que désormais un lien invisible nous unit. Tu me connais à travers mon journal et moi à travers ton parcours qui te mena jusqu’à cette gare (si tu y es parvenue). Il est temps pour toi de continuer ta route c’est pourquoi je te demande de déposer mon journal devant le distributeur figurant sur la photographie. »

     Je fus saisie de stupeur. Ainsi Hikari l’avait laissé délibérément ? Je souris, il fallait bien admettre que c’était loin de m’attrister ou même de me décevoir. Je choisis donc d’attendre Hikari prêt du distributeur. Une heure passa, puis deux et très rapidement je m’endormis, je fus réveillée quatre heures plus tard par un gentil policier qui me tendit une canette de café sur laquelle était collé un post-it où figurait un simple « merci ». Je m’aperçus que le carnet de Hikari n’était plus là. Je souris. Mon aventure japonaise était terminée. 


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  • 3ème prix de la nouvelle Corotzilla 2009 - 2010

    Des gants blancs ?

    Texte d'Elise Dewez, illustration de Clément Dequidt


    Nouvelles



    Bip…

    Je suis maintenant dans la mairie de Tôkyô. Je viens d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur, les flèches s’illuminent, il arrive. Les portes s’ouvrent et pendant que mes jambes font lentement leur chemin vers l’énorme boîte de fer, j’entends une personne crier en japonais.

    « N’entrez pas ! Je n’ai pas…» 

    Et les portes se ferment. Le problème ?... C’est que je suis déjà dans l’ascenseur. Je suis seule dans cette espace confiné, ne voyant pas ce que l’employé aux gants blancs a voulu me dire, je prends donc la décision d’oublier l’incident et appuie sur le bouton, destination le 45e étage de l’immeuble.

    L’ascenseur monte, mes yeux fixés sur les chiffres rouges défilant sur l’écran, je compte les secondes nécessaires pour que l’engin atteigne l’étage du dessus, jusqu’à ce que je remarque que les chiffres ne bougent plus du tout. Soudain, je sursaute au son d’un bruit étrange suivi d’une terrifiante secousse.

    C’était quoi ça ? Je suis sensé faire quoi maintenant ? A peine 10 secondes se sont écoulées depuis que ça s’est bloqué et c’est déjà la panique totale…

    Mais oui ! Il y a un bouton pour ce genre de situation ! Mais, ces ascenseurs sont tellement décorés par toutes sortes d’autocollants que je mets un certain temps à le trouver et à appuyer dessus.

    C’était le bon au moins ? Non, parce qu’il ne se passe rien. Peut-être que je parle trop vite ? Le numéro de l’étage s’affiche une fois de plus mais cette fois-ci en bleu. Qu’est-ce que…ce n’était pas rouge avant ? Et là je ressens une sensation bizarre dans le dos. Tout doucement, mon corps tourne sur lui-même voulant comprendre la raison de cet étrange sentiment.

    « Ahhhhhh »

    A ce moment, j’aurais pu croire que tout Tôkyô avait entendu mon cri.

    « Do… Do... Doraemon ?! »

    Vous l’avez compris, devant moi se dresse une sorte de gros chat bleu affichant un large sourire. Moi qui pensais avoir toute ma tête, j’ai dû me tromper quelque part. Le chat s’approche un peu plus de moi.

    « Tu n’étais pas obligé de crier comme ça tu sais ? »

    Un rire nerveux s’échappe de ma bouche.

    « Bien sûr, c’est pas comme s’il y avait un gros chat bleu qui sait parler, coincé avec moi dans un ascenseur. Et puis, tu n’as même pas d’oreilles, comment tu peux m’entendre ?

    -          Ne m’en demande pas autant ! Je ne suis qu’un personnage de manga.

    -          Oui, ça j’avais remarqué…Et puis, Comment es-tu arrivé ici ? 

    -          Le bouton d’urgence… 

    -          Tu veux dire qu’en appuyant sur ce bouton n’importe qui peut apparaître ? 

    -          Tout à fait, d’ailleurs et si on invitait quelques-uns de mes amis ? 

    -          Mais bien sûr! Et si j’allais faire un check up à l’hôpital psychiatrique aussi ?! »

    Doraemon n’a pas l’air de comprendre mon humour...

    J’imagine qu’il vaut mieux appuyer sur ce bouton que de rester là à ne rien faire. Alors, pour la seconde fois, je presse le bouton et les chiffres cette fois-ci deviennent verts.

    « Ah ! C’est Godzilla ! » s’écria Doraemon.

    Quoi ! Godzilla ? C’est une blague ? Mais, qu’est-ce que c’est que cet ascenseur ?!

    Et puis… Godzilla n’est pas sensé être énorme ? Comment il peut être ici ?!

    Je me retourne…Voilà, c’est fini, je suis définitivement folle.

    « Doraemon ! ça faisait longtemps dit donc ! Comment vont les enfants ?

    -          Les enfants ? Pas trop mal, à part Takeshi qui en ce moment, se prend pour un schtroumpf…

    -          Un schtroumpf, tu dis ? T’as essayé la peinture ?

    -          Non ! Nous sommes tous bleus dans la famille et aucun d’entre nous n’a envie de renier ses origines. Je dis ça, mais bon, toi tu es vert, je suis pas sûr que tu puisses comprendre.

    -          Oui, en effet, je ne comprends pas. Tiens, et si on demandait l’avis d’un de nos vieux amis ? 

    -          Bonne idée !»

    Avant même que mes deux nouveaux amis n’aient eu le temps de me le demander, j’appuie pour la troisième fois sur le bouton de tous les mystères.

    Maintenant que je suis tombé au fond du trou, voir apparaître Pikachu après un Godzilla qui semble avoir rétréci au lavage, me fait, je dirais, presque plaisir.

    Les retrouvailles se font entres ces trois … choses. Et aussitôt le débat abandonné auparavant sur le racisme entre personnage de fiction reprend de plus belle, et finit en dispute générale. J’apprends au cours de la querelle que Doraemon a en fait perdu ses oreilles suite à une morsure de Godzilla qui depuis cet accident prend des cours de yoga pour se détendre. Et Pikachu dans tout ça, lui ne fait que répéter « vive les jaunes ! » à tout bout de champ. Le temps passe et je finis par interroger Pikachu.

    « Pourquoi est-ce que vous apparaissez quand j’appuie sur le bouton ?

    -          Tu te rappelles quand tu es monté dans l’ascenseur ?

    -          Oui, très bien, pourquoi ?

    -          Si nous sommes tous coincés ici maintenant c’est juste parce que tu n’as pas attendu la personne qui t’as interpellé.

    -          Quoi ? Mais quel est le rapport ?

    -          C’est simple, ici, les ascenseurs sont très spéciaux, si vous appuyez directement sur le bouton d’appel, celui-ci va automatiquement se bloquer en chemin pour que vous puissiez nous rencontrer. La seule personne pouvant appeler l’élévateur est l’employé aux gants blancs qui reste normalement toute la journée devant la machine. »

    C’était donc ça … Alors, si j’avais attendu quelques secondes de plus, je n’aurais jamais vécu toute cette folle aventure.

    Au final, après une heure passée dans l’ascenseur, je peux enfin voir la vue du 45e étage, merci à Pikachu qui a fait redémarrer le système avec une attaque éclair. Maintenant, je n’ai plus qu’à attendre mon prochain cours de yoga, histoire de demander les dernières nouvelles à Godzilla

     


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  • Les votes sont maintenant arrêtés. Le podium du concours photo Corotzilla est le suivant :



    1er : Elise Dewez, Métro, Tokyo avec 54 points

    Concours photos



    2ème : Imane Ziouche, Tablettes de voeux avec 45 points

    Concours photos



    3ème : Caroline Scripczak, Pagode, Nikko avec 41 points

     Concours photos


    Merci à tous ceux qui ont voté et bravo à nos 3 lauréates


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  • Le rituel de purification (vécu par une fille qui se pose trop de questions)

    Texte de Caroline Scripzak, illustration de Clément Dequidt


    Photos Semaine Japon au lycée Corot

     

    Salut ! C'est moi : Caroline.

    "Karo" pour les amis (avec un "K" ça le fait mieux) Hum... Karo, Karo...rien que la façon de l'écrire, ça sonne Japonais, non?

    Hum...Non...

    Et "Caroline", en Japonais, ça se dit comment?

    Bonne question...

    Pas grave...J'ai hâte d'arriver à Tôkyô ! Mon rêve va enfin se réaliser! A moi toutes les boutiques! Et les temples aussi! J'adore les temples! D'ailleurs...

    J'ai entendu dire qu'il fallait se purifier avant d'entrer dans un temple...

    Ok, je suis d'accord, me purifier, je cherche … me purifier de QUOI?!

    Ca se passe comment leur truc ?!

    Moi je veux bien découvrir des choses que je ne connais pas (parce que j'en sais des choses, moi ! Non, je ne me vante pas. Euh... si, en fait, je me vante un peu...)

    BREF! On s'éloigne du sujet là! Je disais donc : je veux bien apprendre des choses sur le Japon, dont j'ignore l'existence, mais à un certain niveau, style touriste avec tous les avantages et seulement les avantages (tant qu'à faire !)

    Et au fait, ça se déroule comment ?! C'est se laver dans un fleuve ?! C'est boire des litres de thé vert ?!

    (Remarque, boire du thé ne me dérange pas, c'est plutôt la "baignade" dans le fleuve qui me fait peur !)

    Je me fais sûrement des idées ! Je ne sais pas trop quoi en penser... Et ça sert à quoi ? (à part à se purifier ?)Est-ce une coutume ? C'est obligatoire ?  Si c'est une coutume, ça va, je ne suis pas Japonaise, si c'est obligatoire, eh bien...

    Je le ferais, car j'aime ce pays; mais en même temps si ce n'est pas obligé, je laisse la place aux autres !!

    (Mes proches me diraient sûrement que c'est dommage de ne pas essayer, mais bon, je fais ce que je veux ! )

    Et si c'est pour se purifier, il faut sûrement boire des choses ou manger des tonnes de sushi ?! (ça, je ne suis pas contre! Au contraire !) OU PIRE !! Manger des insectes qui doivent nettoyer mon corps ?! Pas question ! J'ai horreur des insectes ! ça fait peur ! C'est bien de ça qu'on m'a parlé ! Il est propre mon corps ! Pourquoi le nettoyer ?! Moi, je le trouve bien mon corps, "pur" et tout ! AH!! JE SAIS! C'est parce que je mange trop de sucreries !!! à cause des bonbons, je vais devoir manger des insectes gluants ! (au secours !! ).

    Attends là... Karo... tu dérailles... (oui, je me parle à moi-même...).

    AH ! Et si le rituel de purification, c'était la purification de l'âme, et non du corps?

    C'est possible, no n? Hum... L'âme... l'âme...Je crois que j'ai une bonne âme ! D'ailleurs c'est pourquoi j'ai des amies et que je pense être sympa. (Je dis bien "je pense", je n'en suis pas sûre.) Mais alors... si je dois passer par ce rituel, c'est que peut-être je ne suis pas si sympa que ça ! Oh Non ! Que dois-je penser de moi, et de ma vie ?! (grosse remise en question...)

    C'est peut-être pour ça que l'on mange autant de Tofu et de poisson cru ? ça nous purifie ? Je ne pense pas... ça n'a aucun sens !!

     

    [ à l'arrivée près d'un temple  ]

    Je flippe !

    -<< Oh! Salut Karo ! Tu viens ? >> demande Mathilde.

    -<<Euuuuuh... je sais pas trop...>> dis-je.

    -<<Allez ! On doit se purifier, ça va être exceptionnel ! à moins d'habiter au Japon, tu n'auras plus l'occasion de te purifier ici ! Profites-en !>>

    -<<Tu as raison... mais attends ! ça fait pas peur au moins ?!>>

    -<<Oh, parfois, Karo, tu te poses trop de questions ! Si je te dis de venir, c'est que ce serait vraiment bête de ne pas le faire !>> dit Mathilde.

    -<<Euh, justement...c'est quoi le rituel de purification ? On prend pas un bain ou une douche devant tout le monde, au moins ?! Là, j'ai peur ! >> dis-je.

    -<<Hi,hi,hi ! répond Mathilde. Tu es bête, ou tu le fais exprès ?!>>

    -<<Je ne vois pas ce que tu veux dire par "le faire exprès" !!>>

    -<<Je dois toujours tout t'expliquer, à toi ! Bon, en fait, le rituel de purification, ça se fait devant un genre de fontaine, et il y a des louches...C'est pas des louches, mais ça y ressemble. Donc, tu en prends une, tu recueilles de l'eau qui sort de la fontaine, tu la fais couler sur ta main gauche d'abord, et...>>

    -<<ATTENDS!!! Pourquoi d'abord la main gauche ? >> demandais-je

    -<<Euh, parce que c'est comme ça et pas autrement !>>répond Mathilde.

    -<<En fait, tu sais pas pourquoi la main gauche avant la droite !!>>

    -<<J'avoue, je ne sais pas pourquoi. Bref, d'abord la main gauche, puis celle de droite, ensuite tu prends un peu d'eau dans ta bouche, tu la "rinces" puis tu la recraches, et enfin, avec l'eau qu'il te reste dans la "louche", tu la laisses glisser le long du manche. Et voilà !>> conclut Mathilde.

    -<<Merci Madame !>> dis-je

    -<<Eh bien... (petit sourire triomphateur) De rien !! >>

    -<< Tu en sais des choses, en fait ! ça m'étonne de toi !>>dis-je sur un ton moqueur.

    -<< Héééé !! Retire tout de suite ce que tu viens de dire !>>dit Mathilde

    -<<Ok, Ok ! Je retire ces paroles ! Mais au fait, on ne doit pas aller dans une salle spécifique pour se purifier ?>>

    -<< Non, c'est devant le temple, et ce n'est pas obligatoire. >>ajoute-t-elle.

    -<<Hum... et l'encens, là-bas, à quoi sert-il ?>>

    -<<Eh bien, si tu "prends" la fumée, ou plutôt si tu l'éventes vers toi, ça apporte bonheur et santé. >> explique Mathilde.

    -<< Ah! Génial ! Je vais essayer tout ça ! Merci pour toutes ces explications !>>

    -<<De rien, ça confirme ce que je pensais ! Tu ignorais tout ça !>> dit Mathilde.

    -<<Faux !!Je t'ai demandé pour savoir si TOI tu le savais !>> répliquais-je.

    -<<C'est ça, c'est ça ! Je vais te croire !>>

    On éclata de rire, puis Mathilde me quitta pour aller se purifier.

    Donc le fait de se purifier n'a rien à voir avec le fait de manger des bonbons ! Génial ! Je suis soulagée alors ! Je peux continuer d'en manger ! Et donc... ça n'a rien à voir avec  ma sympathie non plus ! (je m'en doutais, je me suis imaginée trop de choses !)

    En fait, ce rituel m'a aidé à apprécier ce que j'ai... et j'aurais appris une chose : Il ne faut pas se poser trop de questions, il faut attendre que les choses se fassent d'elles-mêmes!

    Merci le Japon !!!

    Au fait les parents, vous devriez faire une cure de purification, ça vous calmerait !

     

    A bon entendeur ! Salut! ou plutôt, Sayonara !!

     

     


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  • Le banc

    Texte d'Hamza Abbas, illustration de Clément Dequidt


    Photos Semaine Japon au lycée Corot

     

    Ca fait maintenant deux heures que je suis là, assis sur ce banc, à regarder le ciel. Je n’avais pas envie de venir, et ils ne m’ont pas écouté. Eux, ce sont bien mes parents, ils voulaient que je vienne avec eux à Nikko, petite ville loin de tout, alors que j’étais venu de Paris juste pour voir Tôkyô. Mais eux, c’était différent.

    Je m’appelle Nicolas, j’ai seize ans, et je suis un garçon normal, dans un lycée normal, d’un quartier normal, d’une ville normale, près de Paris. Mes parents, ma grande sœur et moi sommes venus au Japon voilà quatre jours.

    Heureusement pour moi, ils n’ont pas trouvé spécialement important de sortir de Tôkyô, ville qui m’a toujours fait rêver, mais aujourd’hui, apparemment, ils se sont levés du pied gauche. Au début, ils ne m’ont rien dit, ils savaient bien que j’allais laisser paraître mon désaccord…voilà pourquoi ils ont tout simplement menti. On est monté dans un train…et voilà.

    Une fois parti, j’avais à accepter cette décision crève-cœur. J’allais quitter Tokyo alors que j’attendais ces précieux jours depuis maintenant sept mois, vingt quatre jours et quatre heures très précisément. Oui, je n’avais pas beaucoup de choses à faire dans ce train, alors autant compter, jusqu’au moment où mes parents m’ont annoncé qu’ils allaient enfin penser à partir en voyage au Japon, pays de mes rêves. Mais bien entendu, je n’ai eu besoin que de quelques minutes pour compter…j’ai donc occupé le reste de ces quarante-cinq minutes de trajet à trouver un stratagème pour préparer une réelle contre-attaque. Ils avaient conscience de l’adoration que j’ai toujours vouée à Tôkyô. Et là, c’était un réel affront auquel il fallait répondre. Fermement.

    Et nous voilà arrivés à la gare de Nikko, entourés de petites retraitées marchant très rapidement autour de nous avec des petites casquettes multicolores. Adieu la folie de Shibuya, l’audace architecturale de Shiodome, l’insolence de Ginza, il fallait maintenant survivre une journée entière, à Nikko.

    « Je reste là. » Voilà tout ce que j’ai prononcé avant de m’asseoir sur ce banc, en face de la gare de Nikko. Ma mère, dont je voyais l’irritation monter, allait avancer vers moi quand mon père, le flegme personnifié, la retint. Ca avait donc marché, belle contre-attaque donc, surtout que je suis certain que ma mère est à l’origine de cette expédition punitive.

    Voilà, ça fait donc maintenant deux heures et cinq minutes que je suis assis sur ce banc, j’imagine qu’en plus, ma mère prend plaisir à prendre son temps, uniquement pour me faire patienter, comme si un certain sadisme s’était emparé d’elle, au point de vouloir même rentrer encore plus tard à Tôkyô.

    Un vieil homme me regardait depuis bientôt vingt minutes maintenant, il était sur un autre banc, et ça en devenait même gênant à force, puis, par je ne sais quel miracle, il décida de partir. Peut-être que cet homme attendait son train ? Je ne le saurai jamais, mais à vrai dire, c’est bien la dernière chose qui me taraudait l’esprit.

    Mes jambes étaient maintenant plus lourdes à force de rester assis. Il faut prendre une décision. Que vais-je faire ? Je ne veux absolument pas rencontrer ma famille en route, ils en triompheraient, enfin…surtout ma mère et ma sœur. Je devrais aller dans des petites rues qui paraissent sinistres. Au moins là, je suis certain de ne pas les y croiser, ou mieux, leur envoyer un SMS « je rentre à Tôkyô, Nicolas. ». Non, mon père trouverait cela intolérable que je prenne les transports seul et sans permission. Bon, je dois donc rester ici et attendre encore une heure et demie.

    Il y eut comme un bruit sourd de métal quand je me suis levé. Mais oui ! J’avais oublié que j’avais encore de l’argent. Peu certes, mais quand même assez pour faire quelques petites achats, sans compter que je ne compte pas raconter quoi que ce soit de cette journée dans mon journal, boycott officiel. Après un rapide calcul,  je n’avais en fait qu’assez pour une glace à la vanille bon marché…heureusement que j’avais pris des sandwichs, sinon, ma mère aurait réellement triomphé de ma capitulation.

    Finalement, et ce, à cause de mon envie toute naturelle de ne pas bouger, je compte marcher un peu pour aller chercher cette glace après avoir savouré mes sandwichs, puis, comme un signe de fidélité à ce meuble urbain, complice de mon boycott, je reviendrai ici, sur ce banc.


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  • L'attente de quoi ?

     

    Texte de Kahina Méouak, illustration de Clément Dequidt 

     Nouvelles

     

             Je suis l'inconnu qui travaille dans la tour de la mairie de Tokyo, juste un vendeur inconnu. J'insiste sur le mot inconnu car jamais personne ne fait attention à moi. Dans la rue personne ne jette un coup d'oeil sur moi, le seul endroit où je me sens vivant c'est l'endroit où je travaille. En fait personne ne me connaît, personne ne connaît mes craintes et surtout ma plus grande peur.

    Cela me vient lorsque je vois cet immeuble, il est haut de 48 étages. Tous les jours, en me levant, ma hantise revient. Le fait d'aller travailler dans l'endroit qui m'horrifie le plus me rend malade. Mais je suis contraint d'aller dans cette tour car je n'ai pas d'autre choix, c'est le seul endroit qui ait bien voulu me donner ma chance parce personne ne croyait en moi, je les comprends, qui veut confier sa caisse à une personne sans diplôme, sans qualification?

    Sans cette tour je n'aurais pas de travail? Or, sans travail pas de revenu et sans revenu je me serais retrouvé à la rue... Cette tour, la cause de mes tourments, m'offre de quoi vivre et surtout m'accorde toute la reconnaissance et la gratitude que je n'ai même pas auprès de ma famille.

    Derrière ma caisse, je vois tout ce qui se passe : les personnes heureuses, celles qui sont malheureuses, des femmes et leurs amants et inversement. Le plus souvent, je vois des personnes qui cherchent à cacher leur tristesse derrière un masque, le visage du bonheur qu'ils laissent paraître est amer mais ce n'est qu'une façade.

    A force d'expérience, rien qu'en regardant leur visage, je peux savoir la cause de leur désarroi. Tout ce qui se passe autour de moi aggrave ma peur. Les choses qui se passent sont souvent inattendues. Ce sont des choses auxquelles personne ne s'attend.

    Grâce ou à cause de tout ce que j'ai vu, je me rends compte que nous ne sommes rien sur Terre. Nous attendons quelque chose. Moi j'attends, j'attends que le malheur s'abatte sur moi mais quel malheur? Quand viendra-t-il? Chaque jour en me levant, je me demande si ce jour est arrivé mais à la fin de la journée rien ne s'est produit. Je ne sais plus où j'en suis, je ne sais plus ce que je veux : la vie ? la mort ?

    Cet immeuble est le seul  endroit qui me redonne confiance en moi. Tout se mélange dans ma tête... Je lutte avec moi-même et mon destin, c'est une lutte intérieure qui me ronge petit à petit. Je vis et me consume au fil des jours, des semaines, des mois et même au fil des années.

    J'attends désespérément que le séisme emporte cette tour, l'endroit où je me sens le plus vivant. Tout ce mélange dans ma tête je ne sais plus où j'en suis, tout n'est que contradiction mais des contradictions qui se complètent.

    Je sais que beaucoup de personnes me considèreront comme fou  mais les personnes qui attendent quelque chose me comprennent.

    Au final qu'est-ce que je veux ? Et surtout qu'est-ce que j'attends ?


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  • Les derniers dessins illustrant les nouvelles des corotzilleurs viennent d'être installés sur le blog (rubriques "CorotzillaManga").
    Clément a fait preuve de beaucoup d'imagination et de talent pour coller au mieux aux textes de ses camarades du club. C'est un travail remarquable et à n'en pas douter le début d'une carrière à la Chavouet ... ou à la Miyazaki pourquoi pas !


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  • La fille du Konbini

    Texte de Justine Carlier, illustration de Clément De quidt




    Nouvelles

     

    Fumiko est une jeune fille de 20 ans qui travaille dans un konbini, un magasin ouvert 24h/24 depuis maintenant un an et demi. A force de faire la même chose, elle décide de mettre plus d'ambiance dans son travail. Pour y parvenir, elle tente d’imaginer la vie des clients, leur emploi, leur situation familiale, mariés avec ou sans enfants... Elle les observe, s’inspire de leurs achats.

     Premier client un salaryman : bien habillé, mallette à la main, costume noir avec cravate assortie, chaussures vernies. Un homme très actif, énervé. Quand son téléphone sonne, il décroche très rapidement. Il achète une boisson énergisante pour rester bien en forme. Fumiko imagine qu'il mène une vie très active, qu'il y travaille dur. Il doit sûrement rester tard le soir pour finir un dossier. Fumiko hésite pour sa situation amoureuse, est-ce qu'il est marié, a-t-il des enfants ? Ou bien est-ce qu'il est seul dans la vie ? Comme il semble très occupé, Fumiko dirait plutôt qu'il est seul, il ne pense certainement pas à ça maintenant, il ne pense plutôt qu'à son travail.

     Pendant que Fumiko imagine la vie du salaryman, un autre client entre, enfin une jeune cliente, une adolescente. Une jeune fille d'environ 14 ou 15 ans avec un uniforme bleu marine, une petite pince elle aussi bleu marine avec un petit dessin blanc au milieu et son sac noir. La jeune fille regarde dans les rayons, prend, repose, prend… pendant que Fumiko passe à la caisse les articles du salaryman qui, après avoir payé, se dépêche d'aller prendre son métro vers une direction inconnue. Elle se dit « oui, c'est bien ça un homme actif qui ne pense qu'à son travail. » 

     Fumiko fait un petit tour dans les rayons pour vérifier qu'il n’y a rien par terre, elle remet quelques articles en place, puis elle repart à la caisse pour passer les articles de la jeune fille.

     Fumiko reprend son travail d’imagination en se concentrant sur la jeune fille. Elle se dit qu’elle est un peu pâle, triste, peut être qu'elle a des problèmes à l'école, les élèves de sa classe l'humilient, la terrorisent : le souffre douleur de la classe. Ou bien, elle a des problèmes à la maison, dispute entre les parents,  le père (ou la mère) est parti.

     La jeune fille donne les articles à Fumiko pour qu'elle puisse payer. Elle a acheté une bouteille d'eau et des pockys ce qui ne cadre pas avec son état.  Après avoir payé, la petite prend sa bouteille et ses gâteaux puis elle se met à courir en pleurant.

     Fumiko se sent mal tout à coup, elle est triste pour cette jeune fille.

     Il est 17 heures 30 et la journée est terminée pour Fumiko. Elle prend ses affaires puis elle va prendre son métro. Sur le quai, elle aperçoit la jeune fille qui pleure encore mais avec toute cette foule elle ne peut pas aller vers elle. Le métro arrive, les portes s'ouvrent, les personnes sortent. Fumiko avance sur la gauche, derrière quelques personnes. Avec tout ce monde, elle perd de vue la jeune fille.

     Fumiko arrive chez elle, raconte sa journée à son fiancé et se demande si elle reverra un jour cette jeune fille.


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  • Un jury de 10 membres éminents de l'équipe des professeurs du lycée Corot-Douai (et des proches) s'est constitué pour choisir les 3 meilleures nouvelles inspirées par notre voyage au Japon.
    Il ont jusqu'à mardi 30 mai pour choisir et désigner ceux qu'ils souhaitent voir devenir les premiers lauréats du Prix Corotzilla de la nouvelle.


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  • Monsieur Sagesse

    Texte d'Annabelle Dagniaux, illustration de Clément Dequidt


    Nouvelles


    Samedi 26 février, 18 heures 30. Tôkyô est une ville si agitée ! Mais cela ne me fait pas peur. Arrivée depuis seulement 3 jours, je ne sais pas très bien où je suis, je ne cherche pas à le savoir, je vais juste où le vent m’emporte. J’ai vite appris à me déplacer dans la ville, suivre les flèches, toujours marcher à la même cadence,  je sais comment dépenser mes yens, quels panneaux regarder si je veux dormir ou même me couper les cheveux. De quartier en quartier je découvre, je m’étonne, je m’exclame, tout est à voir ici.

    Alors que je marchais en ville, la tête pleine de pensées, je me rendis compte que le décor autour de moi avait totalement changé. Je m’en rendis compte car devant moi se trouvait un peintre. Il peignait un parc magnifique, au centre un énorme jet d’eau et une petite bâtisse en arrière plan. Il y a ce genre de peintre aussi en France, mais eux peignent la Tour Eiffel, le château de Chantilly ou le Mont Saint Michel.  Je levais les yeux pour savoir de quoi il s’inspirait et me rendis compte que j’étais dans ce parc.  Sa beauté me frappa, son calme extraordinaire me donna la chair de poule, je fis quelques pas, doucement, comme apeurée par le fait que cette image devant moi ne puisse éclater telle une bulle de savon. Incroyable, dire que je me trouvais encore au milieu de la foule il y a quelques minutes, la tête levée pour admirer les hautes tours. Ce parc était si rassurant, comme un autre monde au milieu de la capitale. Je décidai alors de marcher pour en explorer chaque coin, chaque détail. Je passai sur ce pont, contemplai  les énormes poissons. Les gens ici marchaient lentement, les couples sur les bancs semblaient vivre un amour pur et ces peintres dispersés dans le parc étaient à peine visibles.

    L’après-midi touchait à sa fin quand je m’en rendis compte. Je décidai de rester, ce lieu m’attirait sans que je ne sache vraiment dire pourquoi, comme si une force invisible m’empêchait  de partir et me retenait  jusqu’à la tombée de la nuit. Je m’endormis paisiblement sur ce banc, placé sous deux arbres courbés formant comme un abri duquel je pouvais apercevoir tout le parc.

    Au beau milieu de la nuit, une lumière me réveilla, un minuscule point lumineux flottait dans l’air. D’un coup, un petit claquement se fit entendre et une poudre dorée jaillit de la lumière. Déconcertée, je regardai autour de moi mais le parc était vide. Alors mon attention fut attirée par ces petites lumières  au milieu du pont puis un petit homme apparut dessous. Je n’en croyais pas mes yeux et me pinçai pour vérifier si je dormais encore ou non.

    L’homme était petit, âgé et légèrement courbé, usé par le temps. Son attitude et son visage inspiraient le respect et il paraissait très intelligent. Il me regarda et mes membres atrophiés m’empêchèrent de bouger alors il s’approcha à petits pas. Il me souhaita le bonsoir et ne paraissait pas du tout étonné par la présence d’une jeune fille de 17 ans, occidentale, seule dans ce parc au beau milieu de la nuit. Il se présenta : cet homme était la Sagesse. Je me rendis vite compte que je comprenais ce qu’il disait alors que je ne parlais pas un mot de japonais. Il me dit ensuite que j’étais une des rares personnes à voir son apparition qui était une légende, d’où la fréquentation des peintres en grand nombre, qui, derrière leur toile, espéraient assister à un tel spectacle.

    D’après Monsieur Sagesse, les peintres profitent de leur capacité à tout analyser longuement sans paraître pour autant suspects de quoi que ce soit, « c’est un vrai travail de détective » ajouta-t-il avec un sourire complice. Je devais donc en déduire que j’étais comme une privilégiée. La sagesse m’expliqua que ce parc était une espèce de temple dans lequel il venait retirer toutes les nuits les offrandes qu’on y faisait. Son explication me fit comprendre beaucoup de choses : l’attitude des personnes s’y baladant, ma sensation d’apaisement quand j’y suis entrée mais aussi son apparence posée. Alors, moi, jeune fille un peu perdue, partie de chez moi avec toutes mes économies dépensées dans l’achat du billet d’avion, je décidai de rester à Tôkyô et tous les soirs je rencontrais Monsieur Sagesse qui m’apprit la vie, qui m’aida à trouver des solutions pour chacun de mes problèmes en me montrant qu’il ne servait à rien de baisser les bras. Il suffisait de prendre du recul sur ce qui se passait dans la vie et y réfléchir.

    La vie continua et Monsieur Sagesse venait toujours prendre les offrandes chaque nuit, parfois en ma compagnie, parfois seul, dans ce cas je lui faisais une offrande de façon à ce qu’il sache que je ne l’oubliais pas.

    Ce que je peux espérer pour tout le monde aujourd’hui, c’est de rencontrer non pas Monsieur Sagesse, mais d’agir comme il le conseillerait. Et si vous allez dans ce parc, regardez autour de vous, peut être sera-t-il dans un coin et un peu en retrait, vous saurez alors ce que les peintres attendent derrière leur grande toile.


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