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Monsieur Sagesse
Monsieur Sagesse
Texte d'Annabelle Dagniaux, illustration de Clément DequidtSamedi 26 février, 18 heures 30. Tôkyô est une ville si agitée ! Mais cela ne me fait pas peur. Arrivée depuis seulement 3 jours, je ne sais pas très bien où je suis, je ne cherche pas à le savoir, je vais juste où le vent m’emporte. J’ai vite appris à me déplacer dans la ville, suivre les flèches, toujours marcher à la même cadence, je sais comment dépenser mes yens, quels panneaux regarder si je veux dormir ou même me couper les cheveux. De quartier en quartier je découvre, je m’étonne, je m’exclame, tout est à voir ici.
Alors que je marchais en ville, la tête pleine de pensées, je me rendis compte que le décor autour de moi avait totalement changé. Je m’en rendis compte car devant moi se trouvait un peintre. Il peignait un parc magnifique, au centre un énorme jet d’eau et une petite bâtisse en arrière plan. Il y a ce genre de peintre aussi en France, mais eux peignent la Tour Eiffel, le château de Chantilly ou le Mont Saint Michel. Je levais les yeux pour savoir de quoi il s’inspirait et me rendis compte que j’étais dans ce parc. Sa beauté me frappa, son calme extraordinaire me donna la chair de poule, je fis quelques pas, doucement, comme apeurée par le fait que cette image devant moi ne puisse éclater telle une bulle de savon. Incroyable, dire que je me trouvais encore au milieu de la foule il y a quelques minutes, la tête levée pour admirer les hautes tours. Ce parc était si rassurant, comme un autre monde au milieu de la capitale. Je décidai alors de marcher pour en explorer chaque coin, chaque détail. Je passai sur ce pont, contemplai les énormes poissons. Les gens ici marchaient lentement, les couples sur les bancs semblaient vivre un amour pur et ces peintres dispersés dans le parc étaient à peine visibles.L’après-midi touchait à sa fin quand je m’en rendis compte. Je décidai de rester, ce lieu m’attirait sans que je ne sache vraiment dire pourquoi, comme si une force invisible m’empêchait de partir et me retenait jusqu’à la tombée de la nuit. Je m’endormis paisiblement sur ce banc, placé sous deux arbres courbés formant comme un abri duquel je pouvais apercevoir tout le parc.
Au beau milieu de la nuit, une lumière me réveilla, un minuscule point lumineux flottait dans l’air. D’un coup, un petit claquement se fit entendre et une poudre dorée jaillit de la lumière. Déconcertée, je regardai autour de moi mais le parc était vide. Alors mon attention fut attirée par ces petites lumières au milieu du pont puis un petit homme apparut dessous. Je n’en croyais pas mes yeux et me pinçai pour vérifier si je dormais encore ou non.
L’homme était petit, âgé et légèrement courbé, usé par le temps. Son attitude et son visage inspiraient le respect et il paraissait très intelligent. Il me regarda et mes membres atrophiés m’empêchèrent de bouger alors il s’approcha à petits pas. Il me souhaita le bonsoir et ne paraissait pas du tout étonné par la présence d’une jeune fille de 17 ans, occidentale, seule dans ce parc au beau milieu de la nuit. Il se présenta : cet homme était la Sagesse. Je me rendis vite compte que je comprenais ce qu’il disait alors que je ne parlais pas un mot de japonais. Il me dit ensuite que j’étais une des rares personnes à voir son apparition qui était une légende, d’où la fréquentation des peintres en grand nombre, qui, derrière leur toile, espéraient assister à un tel spectacle.
D’après Monsieur Sagesse, les peintres profitent de leur capacité à tout analyser longuement sans paraître pour autant suspects de quoi que ce soit, « c’est un vrai travail de détective » ajouta-t-il avec un sourire complice. Je devais donc en déduire que j’étais comme une privilégiée. La sagesse m’expliqua que ce parc était une espèce de temple dans lequel il venait retirer toutes les nuits les offrandes qu’on y faisait. Son explication me fit comprendre beaucoup de choses : l’attitude des personnes s’y baladant, ma sensation d’apaisement quand j’y suis entrée mais aussi son apparence posée. Alors, moi, jeune fille un peu perdue, partie de chez moi avec toutes mes économies dépensées dans l’achat du billet d’avion, je décidai de rester à Tôkyô et tous les soirs je rencontrais Monsieur Sagesse qui m’apprit la vie, qui m’aida à trouver des solutions pour chacun de mes problèmes en me montrant qu’il ne servait à rien de baisser les bras. Il suffisait de prendre du recul sur ce qui se passait dans la vie et y réfléchir.La vie continua et Monsieur Sagesse venait toujours prendre les offrandes chaque nuit, parfois en ma compagnie, parfois seul, dans ce cas je lui faisais une offrande de façon à ce qu’il sache que je ne l’oubliais pas.
Ce que je peux espérer pour tout le monde aujourd’hui, c’est de rencontrer non pas Monsieur Sagesse, mais d’agir comme il le conseillerait. Et si vous allez dans ce parc, regardez autour de vous, peut être sera-t-il dans un coin et un peu en retrait, vous saurez alors ce que les peintres attendent derrière leur grande toile.
Tags : parc, sagesse, moi, rendis, milieu
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Commentaires
2Caroline.SMardi 11 Mai 2010 à 12:38ouah elle est géniale aussi cette nouvelle!!j'aime bien !3Emilie HMercredi 12 Mai 2010 à 07:594Kahina MJeudi 13 Mai 2010 à 16:08Ta nouvelle ma beaucoup plus Annabelle.Bravo5Imane ZJeudi 13 Mai 2010 à 18:20J'aime vraiment cette nouvelle, le sujet est vraiment intéressant =D bravo Annabelle ;)6Amélia.BLundi 26 Juillet 2010 à 00:38
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belle nouvelle et magnifique illustration de Clement! Je trouve que c'est une belle histoire et je trouve la fin bien faites. Comme quoi tout le monde devrait acquérir de la sagese!